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samedi, mars 11, 2023

Ethiopiques

LES LYCÉES DU SÉNÉGAL


                Présentation du recueil


Le mot « éthiopiques » vient du grec «Aïthiops » qui signifie « ce qui paraît brûlé », d’où noir, couleur de la peau. Dans la Bible, l’Ethiopie est le pays le plus éloigné d’Afrique, dont les habitants, noirs, vivent à l’extrémité du monde connu. Par Synecdoque, l’Ethiopie désigne l’Afrique et son ancienneté et sa grandeur, par ses liens avec la civilisation égyptienne. On peut également noter que le mot « éthiopiques » constitue l’anagramme du mot « poétique ». Le choix de ce titre prend alors toute sa signification dans le projet et l’œuvre de Senghor : faire de la Poésie la voix de la Négritude. 

Le recueil « Ethiopiques » est constitué de trois parties. On y trouve des « guimms » (chant) simples et un guimm composé (L’Absente), un poème dramatique (Chaka) et des épîtres suivis d’autres chants.


Première partie :Les huit premiers textes correspondent à une célébration de l’Afrique et de ses représentants mythiques :


            L’Homme et la Bête

            Congo

            Kaya-Magan

            Messages

            Teddungal

            L’Absente

            A New York

            Chaka (poème dramatique)


Deuxième partie : Les épîtres à la princesse


Troisième partie : « D’autres chants » qui contiennent huit poèmes élégiaques et mélancoliques célébrant l’aimée absente.



Le recueil laisse ainsi percevoir une opposition entre parole poétique et action politique (cf. biographie de Senghor), puis une opposition entre l’amour pour la femme et l’amour pour le peuple. A ces deux oppositions s’ajoutent  celle entre le retour à l’Afrique et au « royaume d’enfance » et la séduction par Paris. La composition d’ensemble du recueil semble ainsi mettre en évidence l’émergence progressive de ces antagonismes : on passe de la célébration d’une Afrique primordiale et harmonieuse où le roi est poète et le poète roi à l’évocation d’un univers plus conflictuel qui laisse cependant une place pour une résolution possible.






        L’Absente


L’Absente est un « guimm » (chant) composé de sept parties, et qui célèbre l’Afrique en évoquant l’une de ses figures mythiques, la Reine de Saba, appelée Makéda dans la légende éthiopienne.


(La Reine de Saba, est un personnage légendaire que l’on retrouve dans plusieurs récits et qui aurait régné sur le royaume de Saba, situé approximativement entre le Yémen et l’Ethiopie. Différents prénoms lui son attribués selon les sources. Ainsi, les traditions éthiopiennes l’appelle Mékéda. Cette reine est décrite comme une femme sublime, et considérée comme un personnage d’une profonde sagesse et d’une haute intelligence par certains, et comme une magicienne tentatrice par d’autres.

Dans la légende, la Reine de Saba donne naissance à un fils, Menelik, dont le roi Salomon est le père. Hailé Sélassié (1892 – 1975), empereur d’Ethiopie de 1930 à 1974 rappellera cette lignée dans la constitution de l’Empire d’Ethiopie de 1952 : « La dignité impériale doit rester perpétuellement attachée à la lignée d’Hailé Sélassié, descendant du roi Sahel Sélassié, dont la lignée descend directement, sans interruption, de Menelik ». Ainsi, les souverains d’Ethiopie se posaient parents du Christ (David père de Salomon), ce qui était plus que fonder un droit d’autorité comme venant de Dieu.)





Les sept parties du poème


                        I

Le poète interpelle les « jeunes filles » pour leur demander de ne plus célébrer leur héros (Partie II  - mais de chanter « l’Absente, la Princesse en allé »). Le poète se présente ensuite comme le « Dyâli » et non pas comme le roi, « le Lion téméraire », « le Conducteur », « le Fondateur »

«Dyâli » : troubadour d’Afrique de l’Ouest (poète)


                        II

Le poète demande au « jeunes filles » de chanter « l’Absente ». Il répète que sa gloire est de chanter la beauté de l’Afrique et « la beauté de l’Absente ».

« Elyme » : graminée à larges feuilles qui poussent dans le sable et le fixe.

« Van » :  Panier plat, bordé d’un côté et portant deux anses, qu’on utilise pour débarrasser les grains de leurs impuretés.  


                        III

Dans cette partie l’auteur exprime sa nostalgie de l’Afrique. Les femmes aimée lui rappelle l’Absente (l’Afrique qui apparaît avec la figure mythique de la Reine de Saba) et lui annonce son retour « à l’annonce des flamboyants » (les lumières du printemps).

                    IV

Le poète interpelle à nouveau les « jeunes filles » pour qu’elles chante la «sève » et annoncent le printemps. C’est alors l’occasion pour le poète de célébrer le retour du printemps et de la vie sur la terre africaine.

« Harmattan » : vent très sec venant de l’Est ou du Nord-Est qui souffle sur le Sahara et l’Afrique occidentale.

« trigonocéphale » : serpent venimeux à tête triangulaire.

« pruine » : mince couche cireuse sur les fruits, champignons .

« élytres » : ailes dures et dorées des insectes coléoptères.

« palétuviers » : arbre tropical croissant dans les boues marines et dont la marée recouvre les racines aériennes.

« mitan » : mot ancien pour dire « milieu ».

« flave » : jaune, jaunâtre (latinisme).

« cassias » : arbrisseaux à fleurs jaunes.

« cochlospermums » : plantes aux graines en forme de cuiller.

« surrection » : action de surgir, de se soulever (latinisme)


                        V

Avec l’arrivée de « l’Ethiopienne » (la Reine de Saba), le poète annonce un temps nouveau qui apportera une grande animation, presque une révolution sur la terre d’Afrique, un grand temps de liberté, « Luxe et licence ».

« palabres » : assemblée coutumière qui réunit les notables. Elles se tiennent souvent sous un arbre.

« lamarques » : mot forgé sur la racine lam qui, en sérère et en peul, exprime l’idée de commandement. Le mot, ici, est synonyme de « père de famille ». 

« l’encan » : vente aux enchères publiques.

« pool » : organisme économique international de groupement de producteurs.

« solstice » : chacun des deux points de l’écliptique les plus éloignés de l’équateur céleste.

« pentagramme » : figure en forme d’étoile à cinq branches, signe sacré chez les Peuls nomades.


                        VI

Dans cette partie, le poète exprime sa fascination pour «l’Absente ». Il se présente comme son « féal » et lui rend hommage car c’est elle qui nourrit son inspiration, « Donc, je nommerai les choses futiles qui fleuriront de ma nomination », « …salut à la Souriante qui donne le souffle à mes narines, qui coupe le souffle à mes narines et engorge ma gorge ».

 « féal » : partisan, ami fidèle et dévoué.

« Kôriste » : joueur de kôra.

« alizés » : vent d’est régulier, doux et frais.

« hiéroglyphes » : chacun des signes de l’écriture des anciens égyptiens.

« woï » : interjection de surprise, d’indignation ou d’admiration.

                        VII


Pour clore son poème, l’auteur évoque le pouvoir de la poésie qu’il oppose au pouvoir politique (« le Lion »). Il célèbre ainsi l’amour et la flamme qui anime le poète, « …le cœur du poète brûle un feu sans poussière ».

samedi, mars 04, 2023

ETHIOPIQUES - NEGRITUDE : LE REFUS

ETHIOPIQUES - NEGRITUDE : LE REFUS
                 INTRODUCTION


Dominé, ses terres occupées, son humanité mise en question, voire reniée, sa vision du monde et sa cosmogonie transformées, le Nègre résiste, demande et obtient son indépendance, aidé par les évènements de la Deuxième guerre mondiale : la France qui occupait ses terres avait subi l'occupation allemande de ses terres, les nègres avaient été enrôlés volontairement comme de force pour participer à l libération de la France et ne pouvaient plus d'emblée accepter que les leurs soient sous la domination. Mais le refus aura pris diverses facettes et dans la reconquête de l'identité, il fut bien les séparer pour bien comprendre.

LES RESISTANCES
Les résistances ont été la réponse des Africains face à l’invasion, l’occupation, l’exploitation et l’aliénation par les puissances européennes. L’ampleur et les formes de ces résistances ont été variables d’une zone à l’autre, en fonction des structures politiques en place et des caractéristiques des populations, formes dont deux ont été déterminantes : les résistances armées et les résistances passives avec, dans chacune, des natures variées.

LES RESISTANCES ARMEES
Elles sont liées au caractère hautement guerrier de la plus part des sociétés africaines. Dans chaque royaume africain, il existait une classe guerrière au service du souverain islamisé ou animiste. Les moyens de défense utilisés étaient la guérilla, le guet-apens, les armes blanches et même des armes à feu. Les résistances ont été partout violentes en Afrique, mais c’est surtout en Afrique Occidentale qu’elles ont eu le plus d’impact dans le temps et l’espace.

LES RESISTANCES ARMEES MARABOUTIQUES
El Hadji Omar Tall, 1797 – 1864, était originaire du Fouta. Il se rendit en pèlerinage à la Mecque où il fut nommé Khalif de la Tijanya en Afrique Occidentale et vint s'installer à Dinguiraye. Il commence la conquête d’un vaste empire qui s’étant du Bambouck à Tombouctou. En 1855, il se heurte aux troupes française en route vers Tombouctou cet rencontre se solde par la bataille de Guidimakha. En Avril 1857, il assiège le fort de Médine, capitale du Khasso. Vaincu en juillet, il se concentre sur Macina et le pays Bambara. Indignés de l’occupation de leur royaume par un frère musulman les Peuls Khadrya du Macina se révoltent et finissent, en 1863, par assiéger El Hadji Omar dans Hamdallahi la capitale. Il réussit à s’échapper et se réfugie dans les falaises de Bandiagara où il disparaît mystérieusement dans la grotte de Diagambéré.

Son fils Ahmadou Cheikhou Tall, installé a Ségou, tente de continuer l’œuvre de son père, mais son autorité est contestée par les Bambara animistes et les Peuls de la confrérie Khadrya. De plus sont refus de s’allier à Samory réduit considérablement ses possibilités de résistance face aux troupes d’Archinard. Contraint d’abandonner aux Français une grande partie de son empire (Ségou, Dinguiraye, Kaarta, Nioro…). Il meurt insoumis, en 1898, à Sokoto.

Samory Touré, roi du Wassoulou, se convertit à l’islam et prit le titre d’Almamy, pour mettre son pouvoir religieux aux services de la résistance contre l’impérialisme français. Son empire est comprit entre le fleuve Niger, le Fouta Djallon, la Sierra Léone et la Côte d’Ivoire, avec comme capital, Bissandougou.

Homme intelligent disposant d’une armée solide et bien organisé Samory a été l’un des plus grands résistants africains. Grâce à la technique de la « terre bruléé », il s’oppose farouchement au français et porte de sérieux coup à leurs entreprises coloniales. Attaqué par le colonel Archinard en 1891, il résiste jusqu’en 1894, date à laquelle il déplace sont royaume aux nord de la Côte d’ivoire. En détruisant la ville de Kong en 1895, il souleva contre lui l’hostilité des peuples de la côte des fleuves Bandama et Comoé. Le 28 septembre 1898, il est surpris et capturé dans sont camp de Guélémou par le colonel Gouraud. Déporté aux Gabon, il y meurt en 1900.

LES RESISTANCES ARMEES TRADITIONNELLES
Lat Dior Ngone Latyr Diop, 1842 – 1886, est né à Keur Amadou Yalla. Il devient Damel du Cayor en 1862, après sa victoire sur le Damel Madiodio imposé par les Français. En effet, pour réaliser la liaison Dakar – Saint-Louis, Faidherbe signe des traités avec les Damel Birima Ngoné, Macodou et Madiodio. Lat- Dior qui s’oppose à tous ses traités signés par ces prédécesseurs, devient dès lors une menace sérieuse pour les Français. Le premier Affrontement a lieu à Ngolgol le 30 novembre 1863 contre les troupes de Pinet-Laprade. Il leur inflige leur première grande défaite au Sénégal. Le 17 janvier 1864, Lat-Dior, battu à Loro par les Français, est contraint à l’exil dans le Rip auprès de Maba Diakhou Ba qui lui impose la conversion à l’islam. Les deux hommes battent les troupes françaises à Pathé Badiane, prés du ravin de Paoskoto, le 28 décembre 1865.

A la mort de Maba pendant la bataille de Somb contre le Bour Sine en juillet 1967, Lat-Dior retourne au Cayor. En 1871, après quelques moment de turbulence, Pinet-Laprade finit par le reconnaître comme Damel (moyennant la signature d’un traité de protectorat). Mais la décision Française en 1879, de construire le chemin de fer Dakar – Saint-Louis, va entraîner une nouvelle rébellion de Lat Dior. Il est alors destitué 1882, et remplacé par Samba Yaya Fall, puis par son neveu, Samba Laobé Fall. Lat Dior s’exile de nouveau au Djolof, auprès d’Alboury Ndiaye. Les Français obligent Alboury à l’expulser du Djolof.

Trop fier de lui, Lat Dior revient au Cayor et décide de libérer sa patrie au prix de sa vie. Il tombe le 26 octobre 1886, à la bataille de Dékhélé, au cours de laquelle le capitaine Valois a été aidé par l’un de ces anciens fidèle, Demba War Sall. Behanzin accède au trône du Dahomey, actuel Bénin, en 1869, succédant à son père, Glélé. Cette période coïncide avec l’invasion coloniale française à laquelle il s’oppose farouchement. En effet, son royaume entravait l’expansion Française au Niger. Son armée valeureuse très disciplinée, et comprenant un corps de femmes-soldat (les amazones), a vaillamment résisté de 1890 à 1894, à l’expédition français.

En 1892, sous des prétextes futiles le colonel Dodds, à la tête de 3000 hommes, envahit le Dahomey. Béhanzin fut vaincu par la trahison de ses compatriotes, mais résista pendant deux ans. Il est capturé en 1894 et déporté à la Martinique puis en Algérie ou il meurt en 1906.

Le roi du Sine Coumba Ndoffène Famak Diouf, littéralement Coumba Ndoffène Diouf Senior, dans le cadre de la résistance opposée par le peuple sérère du Royaume du Sine, dirigea la bataille de Logandème livrée le 18 mai 1859 contre les troupes coloniales françaises ayant à leur tête Louis Faidherbe, nommé gouverneur du Sénégal par le gouvernement français à Paris. L'affrontement a eu lieu à Logandème, un quartier de Fatick, qui faisait partie du royaume précolonial sérère du Sine, une région du Sénégal indépendant.

Après la défaite de la reine Ndaté Yalla Mbodj du Waalo en 1855, Faidherbe avait décidé de lancer des guerres contre les royaumes sérères du Sine et du Saloum. Il avait déclaré tous les traités déjà signés entre les rois Sérères et les Français, ceux en faveur des Sérères, nuls et non avenus et avait demandé la mise en place de nouveaux traités selon les termes de Faidherbe. D'après des chercheurs, comme Klein, c'était une énorme erreur de la part des Français, car ouvrant la voie aux rois Sérères futurs pour utiliser le même tactique contre les Français, en particulier Maad a Sinig San-Moon Faye, le successeur de Maad Kumba Coumba Ndoffène en 1871.

La révocation des droits excessifs des coutumes traditionnelles versés par les marchands français à la Couronne, le refus des rois Sérères d'avoir à acheter français et de posséder des terres dans les pays sérères ou de construire dans la maçonnerie (voir Maad a Sinig Hama Diouf Gnilane Faye Diouf) étaient tous des facteurs contribuant à cette guerre. En mai 1859, Faidherbe arrive à Gorée avec 200 tirailleurs et 160 troupes de marine. Il rassemble la garnison de Gorée, des gens de Gorée, de Rufisque et des Lébous de Dakar pour lutter contre les Sérères du Sine. Dans une lettre envoyée à Paris en ce qui concerne la façon dont il a prétendument réussi à obtenir le soutien des Wolofs et des Lébous, il rapporte : « Je leur ai dit qu'ils étaient Français, et que pour cette raison ils ont dû prendre les armes pour se joindre à nous et ont eu à participer à l'expédition que nous allons faire contre leurs voisins pour obtenir des réparations pour les torts de ces personnes avaient fait pour nous ».

De Rufisque, les troupes françaises entrent à Joal, l'une des principautés du Royaume du Sine. Dans Joal, ils se heurtèrent au Buumi - prince héritier - Sanmoon Faye, qui était en patrouille avec certaines des forces du Sine. Pris par surprise et totalement ignorant de ce que les forces françaises faisaient en pays sérère, les deux parties ouvrent le feu. La force de patrouille du Sine fut forcée de se retirer, mais deux de ses membres furent capturés par les Français, et on confia à l'un d'eux la tâche d'aller dire à Maad Coumba Ndoffène Famak Diouf que l'armée française serait à Fatick dans trois jours. Il faut expliquer en passant que Fatick était l'une des plus importantes principautés du royaume du Sine.

Dans la matinée du 18 mai 1859, l'armée française arrive à Fatick et prend ses positions. Le roi du Sine et son armée qui a été mobilisée par le son des junjung (les tambours de guerre sacrés du Sine), montaient la garde à Logandème. Vers 9 heures, l'armée Sérères ouvre le feu contre les forces françaises. Les Français ripostent et la bataille commence. A 9 h 30, bouleversés par la puissance militaire française, Maad a Sinig Coumba Ndoffène Famak Diouf et ses forces ont été contraints de faire une retraite précipitée. Quelques minutes plus tard, le roi du Sine et sa cavalerie réapparaissent sur le champ de bataille. Cependant, étant incapables de rompre les rangs français, ils sont finalement vaincus. Après la victoire française, le gouverneur Louis Faidherbe donne l'ordre de brûler Fatick et les villages environnants. Faidherbe a affirmé que 150 Sérères étaient « tués ou blessés, mais que la force française avait seulement cinq blessés ».

Le gouvernement français à Paris a critiqué Faidherbe pour avoir effectué une expédition militaire sans l'en aviser. En réponse à cette critique, Faidherbe a affirmé qu'il ne faisait qu'occuper une superficie qui appartenait à la France depuis 1679. Selon les historiens, comme Klein, Faidherbe a joué avec les mots et a élaboré la politique de base au Sénégal, aboutissant à une occupation d'une zone qui n'avait jamais appartenu à la France. Ni le Royaume du Sine, ni aucune de ses provinces n'avait jamais appartenu aux français. En 1898, il est surpris et capturé dans sont camp de Guélémou par le colonel Gouraud. Déporté aux Gabon, il y meurt en 1900.

LES RÉSISTANCES PASSIVES
Elles ont été spontanées, populaires, culturelles, villageoises ou sous la direction de chefs religieux et de chefs traditionnels. Le refus de soumission à l’autorité coloniale s'exprime à travers des désertions, des actions de sabotage, la désobéissance civile et le refus à l’assimilation culturelle.

Aline Sitoé Diatta est née vers 1920 à Kabrousse, un village du département d’Oussouye, en Casamance. En 1940, elle résiste au colonisateur Français, en exhortant ces concitoyens à la désobéissance civile : refus de payer l’impôt et de reconnaitre le pouvoir de l’homme blanc. Elle élabore une doctrine basée sur les principes suivant :

Sur le plan religieux, elle œuvre pour le retour aux croyances traditionnelles.
Sur le plan politique, elle brandit l’étendard de la révolution contre l’occupant Français
en réaffirmant le droit ancestral des Noirs sur la terre d’Afrique.
Sur le plan économique elle recommande aux populations de boycotter la culture de
l’arachide, source de dépendance économique, et de développé les cultures vivrières.
Cette forme de résistance gêna l’administration coloniale qui finit par déporter Aline Sitoé Diatta au Mali. Elle mourut à Tomboutou le 28 mai 1944.

Si Senghor a prôné le métissage et, partant, la civilisation de l'universel, c'est que chaque côté a son côté positif et son côté obscur. Là où le Nègre, comme l'Aztèque, le Zapotec ou l'Inca gardait une relation naturelle avec son environnement et l'universel de par sa cosmogonie et sa culture, l'Occidental se déshumanisait sous les faisceaux intégrateurs d'un système basé sur la technique sur laquelle elle s'appuyait pour se proclamer maître d'un monde dont elle ravageait une à une ses richesses.

Le Nègre, comme les Indiens d'Amérique à travers Chief Seattle, aspirait à des choses plus simples, à un humanisme naturel et naturaliste qui semble forcé de disparaître, effacé par la règle et l’équerre : « Mon calvaire. Je voyais dans un songe tous les pays aux quatre coins de l’horizon soumis à la règle et au compas. Les forêts fauchées les collines anéanties, vallées et fleuves dans les fers. Je voyais les pays aux quatre coins de l’horizon sous la grille tracée par les doubles routes de fer, je voyais les pays du Sud comme une fourmilière de silence au travail. Le travail est saint, mais le travail n’est plus le geste, le tam-tam ni la voix ne rythment plus les gestes des saisons… ».

Le remous incessant des paragraphes formant la présentation des royaumes francs contraste terriblement avec le caractère humain qu’appose le Kaya Magan à travers son empire. L’organisation semble concertée, le chef semble être père de famille, protecteur mais en même temps gardant la capacité d’écouter « dans le bois la complainte murmuré », tel Coumba Ndoffène Diouf, le pèlerin royal parcourant ses provinces, précédés par le bruit de ses aïeux et ses dioung-dioungs.

Ce qui est très important et qu’il ne faut jamais perdre de vue c’est que, chez Senghor, l’essence même de l’homme n’est pas dans la technique, peut-être dans la technicité. Il a en opprobre le fruit ultime de l’esprit déployé par l’Occident à travers les âges, fruit ultime qui n’est pas celui de souder les cœurs mais de distiller les chairs humaines. D’ailleurs dans le paradis, ce n’est jamais la technique qui est mise en avant, mais le panorama décrit dans son poème, le « Kaya Magan »:

« Le ravissement de vous émaillant les plaines du silence !
Vous voici quotidiennes mes fleurs mes étoiles, vous voici à la joie de mon festin.
Donc paissez mes mamelles d’abondance, et je ne mange pas qui suis source de joie.
Paissez mes seins forts d’homme, l’herbe de lait qui luit sur ma poitrine »

et encore :

« Je suis le buffle qui se rit du Lion, de ses fusils chargés jusqu’à la gueule.
Et il faudra bien qu’il se prémunisse dans l’enceinte de ses murailles.
Mon empire est celui des proscrits de César, des grands bannis de la raison ou de l’instinct ».

Cela ne rappelle-t-il pas un passage de la Bible ? Voyons : « Le loup et l'agneau paîtront ensemble, et le lion mangera de la paille comme le bœuf; et la poussière sera la nourriture du serpent. On ne fera pas de tort, et on ne détruira pas sur toute ma montagne sainte, dit l'Éternel ».

Voilà l’agneau qui paît avec le loup, le buffle qui se rit du Lion, le paradis, l’Eden, la Paix. Quelle place pour les fusils chargés jusqu’à la gueule, les fusils de Ceux-qui-nous-définirent-comme-sous-homme ? Qu’ils prennent garde, qu’ils se prémunissent dans l’enceinte de ses murailles, car l’empire du poète, nouveau Kaya Magan, est l’empire des proscrits de César, dont voici, en partie, les termes de la proscription :

« Marcus Lepidus, Marcus Antonius et Octavius Caesar, choisis par le peuple pour gouverner et mettre la république sur le droit chemin, déclarent que, si de perfides traîtres n'avaient pas demandé pitié et quand ils l'ont obtenue n'étaient pas devenus les ennemis de leurs bienfaiteurs et n'avaient pas conspiré contre eux, Gaius Caesar n'aurait pas été massacré par ceux qu'il a sauvé par sa clémence après les avoir capturé lors de la guerre, ceux qu'il a considérés comme des amis et à qui il a donné des charges, des honneurs et des cadeaux ; et nous ne devrions pas être obligés d'employer cette sévérité contre ceux qui nous ont insultés et nous ont déclarés ennemis publics » Il a opté pour l’empire des grands bannis de la raison ou de l’instinct, ceux que l’on ne voit qu’en sous-hommes. Mais si l’empire du Nouveau Kaya Magan est celui des proscrits de César, c’est certainement à cause de la teneur du premier paragraphe : « Marcus Lepidus, Marcus Antonius et Octavius Caesar, choisis par le peuple pour gouverner et mettre la république sur le droit chemin, déclarent que, si de perfides traîtres n'avaient pas demandé pitié et quand ils l'ont obtenue n'étaient pas devenus les ennemis de leurs bienfaiteurs et n'avaient pas conspiré contre eux, Gaius Caesar n'aurait pas été massacré par ceux qu'il a sauvé par sa clémence après les avoir capturé lors de la guerre, ceux qu'il a considéré comme des amis et à qui il a donné des charges, des honneurs et des cadeaux ; et nous ne devrions pas être obligés d'employer cette sévérité contre ceux qui nous ont insultés et nous ont déclarés ennemis publics ».

Ici, les bienfaiteurs c’est le colon qui va reprocher aux colonisés de s’être révoltés après tant de bienfaits civilisateurs, après l’ouverture à tant de richesses ou bien d’avoir demandé l’indépendance. C’est la bombe lâchée dans le jardin gagné des épines, le discours de non assimilation de la Chambre de Commerce de Dakar. Mais pouvait-il en être autrement ?

Dans Orphée noir, Jean-Paul Sartre abordera le même thème en d’autres termes : « Qu'est-ce donc que vous espériez, quand vous ôtiez le bâillon qui fermait ces bouches noires ? Qu'elles allaient entonner vos louanges ? Ces têtes que nos pères avaient courbées jusqu'à terre par la force, pensiez-vous, quand elles se relèveraient, lire l'adoration dans leurs yeux ? Voici des hommes noirs debout qui nous regardent et je vous souhaite de ressentir comme moi le saisissement d'être vus. Car le blanc a joui trois mille ans du privilège de voir sans qu'on le voie ; il était regard pur, la lumière de ses yeux tirait toute chose de l'ombre natale, la blancheur de sa peau c'était un regard encore, de la lumière condensée. L'homme blanc, blanc parce qu'il était homme, blanc comme le jour, blanc comme la vérité, blanc comme la vertu, éclairait la création comme une torche, dévoilait l'essence secrète et blanche des êtres. Aujourd'hui ces hommes noirs nous regardent et notre regard rentre dans nos yeux ; des torches noires, à leur tour, éclairent le monde et nos têtes blanches ne sont plus que de petits lampions balancés par le vent » . Césaire dira : « Ecoutez le monde blanc horriblement las de son effort immense ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures, ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique écoute ses victoires proditoires trompeter ses défaites écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ».

Pour s’associer au poète et donner le coup de grâce, Sartre continue : « Nous voilà finis, nos victoires, le ventre en l'air, laissent voir leurs entrailles, notre défaite secrète. Si nous voulons faire craquer cette infinitude qui nous emprisonne, nous ne pouvons plus compter sur les privilèges de notre race, de notre couleur, de nos techniques : nous ne pourrons nous rejoindre à cette totalité d'où ces yeux noirs nous exilent qu'en arrachant nos maillots blancs pour tenter simplement d'être des hommes ».

Le coup est lâché. Pour la Négritude, le problème, encore une fois, ne se pose pas en termes de techniques, d’inventions, bien qu’elle ne s’oppose à la technicité. Ces choses ne sont pas exclues, mais sont reléguées au deuxième plan puisque devant être au service de l’homme et non un moyen de sa destruction. Pour réellement appréhender la répugnance que Senghor éprouve devant la technique du blanc, il faut visualiser la superbe série « Les Grandes Batailles » du documentariste et auteur de télévision Daniel Costelle. Dans « Chant de printemps », Senghor, comme un reporter de guerre, caméra sur l’épaule, braque l'objectif sur une de ces scènes horribles de la Deuxième Guerre mondiale et nous montre la jungle moderne et destructrice qui s’est apposée sur l’originale de l’Afrique : « Ecoute mon ami, lointain et sourd, le grondement précoce de la tornade comme un feu roulant de brousse. Et mon sang crie d’angoisse dans l’abandon de ma tête trop lourde livrée aux courants électriques. Ah ! Là-bas l’orage soudain, c’est l’incendie des côtes blanches de la blanche paix de l’Afrique mienne. Et dans la nuit où tonnent de grandes déchirures de métal, entends plus près de nous, sur trois cents kilomètres, tous les hurlements des chacals sans lune et les miaulements félins des balles, entends les rugissements brefs des canons et les barrissements des pachydermes de cent tonnes. Est-ce l’Afrique encore cette île mouvante, cet ordre de bataille, cette longue ligne rectiligne, cette ligne d’acier et de feu ?... Mais entends l’ouragan des aigles-forteresses, les escadres aériennes tirant à pleins sabords et foudroyant les capitales dans la seconde de l’éclair. Et les lourdes locomotives bondissent au-dessus des cathédrales et les cités superbes flambent, mais bien plus jaunes, mais bien plus sèches qu’herbes de brousse en saison sèche. Et voici que les hautes tours, orgueil des hommes, tombent comme les géants des forêts avec un bruit de plâtras… »

Voyant que le Blanc s’est positionné dans sa technique qui a la terrifiante capacité de destruction, pourquoi l’humaniste revendiquerait-il une place auprès de lui, pourquoi lui lancerait-il un défi dans ce Colysée du carnage, de la déshumanisation ? Et en plus, science et technologie ne sont pas des synonymes, la dernière étant, d’un point de vue, fille de l’autre, son application.

Il serait malhonnête pour les pères de la Négritude de nier les avancées de l’autre, mais ce sont des avancées qui, en dépit de notre monde qui semble ne pas pouvoir ou plutôt oser s’arrêter et prendre une autre direction, leur sont répugnantes. Et ils ne sont pas les seuls. Depuis l’avènement de la bombe atomique, la course à l’armement et maintenant tous les projets visant au clonage, à la production des OGM, beaucoup d’Occidentaux ont commencé à sérieusement se poser des questions et à s’engager corps et âmes contre les garanties précaires, les expérimentations hasardeuses. En réalité, l’autre camp n’a de couleur que dans la mesure où l’on s’est servi de la couleur du Nègre pour faire accepter l’assujettissement. Même sans colonisation, le Nègre se serait senti solitaire dans le système déporté chez lui, solitaire dans la globalisation devenue petit à petit mondialision, le contraire même de la Civilisation de l'Universel. C’est le choc des cultures que toute personne ressent lorsqu'elle sent que la sienne est submergée par une autre. Ici le degré est toutefois fatal, puisque découlant d’une imposition après assujettissement et reniement. Déjà en 1992, un collègue finlandais regardait froidement les avancées de la mise en place de l'Union Europénne : premièrement il y aura un mouvement des nations vers cette union mais, avec le temps, à cause de géants qui sembleront dicter les voies à suivre, en particulier l'Allemagne, la France et l'Angleterre, on risque de voir un nationalisme se redresser dans les petites nations pour contrer cette langue qui les happe pour faire disparaître leur identité intrinsèque. L'etat actuel des choses semble confirmer cette vision avec les menaces de la Grèce à un certain moement donné et une grande suprise qui laisse tout le monde pantoi, à savoir le Brexit entamé par une des premières puissances de l'Union.

Le réveil brutal à cet état de fait de la nature de la science appliquée a poussé au développement ou la remise en surface de l’étique de la science et poser la question : Une Science au service de l’humanité ou une menace ? Nous savons que « Pour beaucoup de scientifiques, techniciens et bien d’autres personnes, la science et la technologie sont intrinsèquement bénéfiques à l’humanité. Depuis trois siècles, l’essor des sciences et leur impact social ont été énormes. Pourtant, la recherche scientifique depuis 1945 est caractérisée par la prééminence du secteur militaire. La science et la technique ont créé la plus grande menace ayant jamais existé pour l’homme et toute la vie terrestre : la bombe atomique. Plus récemment, les recherches dans le domaine de la génétique et les avancées en matière de clonage humain ont projeté sur nos écrans des images de chercheurs “ docteurs folamours diaboliques”. Face à cela, il s’avère urgent de se demander, comment, et sur quelles bases saines, engager l’esprit imaginatif, l’énergie intellectuelle et matérielle consacrés à la recherche et ses applications ».

Tout récemment, le célèbre cosmologiste et physicien britannique Stephen Hawking, né le 8 janvier 1942 à Oxford, a expliqué, en marge d’une conférence pour la BBC, que le genre humain était en passe de devoir affronter ses moments les plus difficiles; que le progrès génère des dangers existentiels. D’après Monsieur Hawking, il est presque certain qu’une catastrophe frappera la planète Terre d’ici un à dix milliers d’années. En revanche, « nous n’établirons pas de colonie autarcique dans l’espace avant au moins les cent prochaines années, donc nous devons être très prudents durant cette période », a-t-il expliqué à la chaîne britannique Radio Times.

Cette inquiétude est partagée par Carl Sagan qui, en plus d’être un astrophysicien connu pour son scepticisme, était également un homme lucide et visiblement visionnaire. Il a fait « une prédiction » sinistre sur l’avenir du monde il y a de cela plus de 20 ans : « En 1995, l’astrophysicien Carl Sagan, publiait un livre intitulé « The Demon-Haunted World », un manifeste du rationalisme et du développement des connaissances qui met en garde contre les dangers des pseudosciences et de l’analphabétisme scientifique et qui encourage ses lecteurs à apprendre la pensée critique et sceptique. Il semblerait qu’en plus d’être doué dans son domaine, l’astrophysicien était également visionnaire : Carl Sagan nous parle de baisse des emplois manufacturiers, d’une certaine défiance de la population envers la politique et des politiciens qui ne peuvent ou ne veulent représenter l’intérêt de tous et de technologies révolutionnaires et brillantes qui ne semblent pas servir le bien public. Sagan prédit alors un penchant de plus en plus prononcé pour les superstitions et les pseudosciences et, encore plus inquiétant, et que le public sera intellectuellement incapable de distinguer ce qui servira ses intérêts ou non.

C'est le même état de fait qui a donné naissance au mouvement éthique dans les sciences, mouvement dont nous donnerons ci-dessous, les textes majeurs qu'il a engendrés. Ce mouvement est né « d’une prise de conscience interne. La réflexion éthique sur les sciences a des origines très anciennes. En fait elle a toujours été présente sous la forme d’une question qui hante toute démarche de recherche et application scientifique : « que faire ?», ou encore à travers les écrits et discours de grands noms de la science comme Rabelais « Science et conscience », Pascal et bien d’autres. Plus récemment, le siècle qui vient de s’achever a été jalonné de remises en question sérieuses du bien fondé de la recherche et de ses applications aux vues de certaines conséquences catastrophiques pour l’humanité.

« Au XXème siècle, des évènements dramatiques obligent les sciences à se doter de textes véritables gardes fous éthiques. La Première Guerre Mondiale a semé un vent de panique : des millions de jeunes fauchés par des techniques de mort perfectionnées, une génération martyrisée qui provoqua un ressentiment anti science profond dans les années vingt. 1945, un double choc terrible pour les consciences : la bombe d’Hiroshima et la découverte d’Auschwitz. Le monde scientifique se mobilise. En lien direct avec Auschwitz, et à l’initiative des biologistes et des médecins est né en 1947 le code de Nuremberg pour encadrer strictement l’expérimentation sur les êtres humains. Après Hiroshima et principalement à l’initiative des physiciens en 1955 le Manifeste Russell - Einstein voit le jour. Il est publié à Londres le 9 Juillet 1955 ».

Deux ans plus tard, les Mouvements de Pugwash pour la science et les affaires mondiales sont instaurées. Elles recevront le prix Nobel de la Paix en 1995, puis suit le Traité de Non Prolifération Nucléaire, TPN , signé le 1er juillet 1968 puis promulgué en 1969 pour 25 ans puis renouvelé, et enfin le manifeste de Séville, diffusé par décision de la Conférence générale de l'UNESCO à sa vingt-cinquième session à Paris, France le 16 novembre 1989.

Ce fut en 1986 que des scientifiques des quatre coins de la planète rédigèrent ce manifeste, y dénonçant des a priori pseudo scientifiques sur la violence. Là ils déclarent qu’il est de leur responsabilité d’attirer l’attention de tous sur les activités les plus dangereuses et les plus destructrices de notre espèce à savoir la violence et la guerre.

Rédigé sous formes de cinq propositions, ils y dénoncent les a priori qui font que plus de 50% des jeunes du monde entier croient au mythe selon lequel la violence et la guerre seraient inhérentes à la nature humaine, opinion probablement partagée par une large partie du public quelque que soit l’âge, le niveau d’instruction et l’origine sociale.

Contre les secousses de la science qui ne cessent de se répercuter, la lutte continue toujours, comme un écho venu du fond du cœur des hommes de la Négritude, cet humanisme profond qui se veut début et fin de l’homme, sa raison d’être. L’un d’entre eux n’a-t-il pas dit : « Et au-delà, la plaine soudanaise que dessèchent le Vent d’Est et les maîtres nordiques du Temps et les belles routes noires luisantes que bordent les sables, rien que les sables les impôts les corvées les chicottes et la seule rosée des crachats pour leurs soifs inextinguibles au souvenir des verts pâturages atlantidiens, car les barrages des ingénieurs n’ont pas apaisé la soif des âmes dans les villages polytechniques » ?

La négritude chante la différence, réfute et refuse la déshumanisation de l’homme, « l’appel des caméléons sourds de la métamorphose ». Voilà l’un de ses pères qui convoite la simplicité humaine de la vie en ironisant les gadgets étalés comme une fourrure renouvelée de la Bête, ou une fourrure de la Bête renouvelée : « Vous ignorez le bon pain blanc et le lait et le sel, et les mets substantiels qui ne nourrissent pas, qui divisent les civils et la foule des boulevards, les somnambules qui ont renié leur identité d’homme, caméléons sourds de la métamorphose, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude. Vous ignorez les restaurants et les piscines, et la noblesse au sang noir interdite, et la Science et l’Humanité, dressant leurs cordons de police aux frontières de la négritude ». Un autre père dira : « Au bout du petit matin ...Va-t-en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t-en je déteste les larbins de l'ordre et les hannetons de l'espérance. Va-t-en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. Puis je me tournai vers des paradis pour lui et les siens perdus, plus calme que la face d'une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d'une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les monstres et j'entendais monter de l'autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d'un sacré soleil vénérien ».

Ne serait-il pas prétentieux de notre part de vouloir recadrer la dimension de la Négritude ? Ne serait-ce pas trop ? Nous disons non, si l’on prend en compte la valse lancinante des écrits de ses pères. Bien sûr, puisque dès le départ le Nègre est attaqué dans sa couleur, à travers sa couleur, puis réduit en quasi animal dont la langue n’est pas aussi développée que cela et dont les coutumes sont barbares, et qu’il fallait par conséquence le classer comme un énergumène particulier d’un niveau un peu plus évolué que les autres primates – après tout, le chimpanzé a des choses plus proches de l’homme que le lion, donc pourquoi pas le Nègre juste un peu plus que le Chimpanzé mais n’arrivant même pas à la cheville de l’Occidental, du Caucasien ? – sa première réaction est de se redispositionner par rapport aux accusations. Ou aurions-nous du dire par rapport aux condamnations ?

Il est vrai que l’homme blanc, classificateur des genres, a beaucoup créé et apposé sa raison de fer sur la nature. Il a redonné visage à mille choses ; il sait vider la terre de ses entrailles comme les moustiques vident le sang des enfants ; il a défié la pesanteur, s’est arraché de la terre, puis déplié des ailes plus larges que palmes de rôniers au-dessus de la cime des arbres ; il a créé des étoiles filantes que l’on peut voir la nuit, lentes comme des tortues à l’échelle des météores de Dieu ; il sait transformer en four toute une ville et le chauffer si terriblement que la farine surréelle, chair humaine, acier, colonnes de bétons devienne plus fine que cendre ; il a commencé la vente de terrains sur la lune ; devant l’arbre fruitier il voit les lignes rabotées d’un fauteuil Louis XIV dans un salon ; la mer est parcourue de lignes imaginaires, grand gâteau réparti entre les nations qui déploieront leurs filets contre les enfants de ma vie marine tandis qu’au loin un sexe d’acier fouille l’oreiller profond des baleines et des dauphins ; c’est vrai qu’au soir, repu du bruit citadin, l’on déploie le cocktail de sirènes et de klaxons et de mégaphones des enfants initiés au nid secret de Mammon.

LE MOUVEMENT NEGRITUDE
C'est dans le lot des résistances passives qu'il faut bien mettre le mouvement de la Négritude. Intellectuels assemblés dans la métropole et vivant au quotidien la discrimination à titre personnel ou bien à partir des échos qui leur parviennet des colonies et la politique qui y est appliquée, ils ne pouvaient rester sourds ou bien aveugles face aux rires bananias sur les murs de Paris. Après la Deuxième guerre mondiale et vu le degré de barbare déployé par l'Esprit Evolué et Super Homme, cela le pouvait plus émouvoir le Nègre. Ce n’est pas cela son aspiration, car tout au long des barricades longeant ces éléments, le compagnon-jamais-absent semble être la déshumanisation. L’homme s’érige d’emblée en instrument, une enveloppe pour cette Bête terrassée qui semble somnoler tout en grognant sournoisement en guise de ronflement. Le Nègre veut se tourner « vers le paradis pour lui et les siens - entendez l’homme blanc - perdu, plus calme que la face d'une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d'une pensée jamais lasse, nourrir le vent, délacer les monstres ». Il entend « monter de l'autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane [qu’il] porte toujours dans [ses] profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d'un sacré soleil vénérien » .

Jean Paul Sartre dira : « Il est un autre motif qui court comme une grosse artère à travers ce recueil : « Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole ... » Ils savent en ses moindres recoins le pays de souffrance ... A l'absurde agitation utilitaire du blanc, le noir oppose l'authenticité recueillie de sa souffrance ; parce qu'elle a eu l'horrible privilège de toucher le fond du malheur, la race noire est une race élue. Et bien que ces poèmes soient de bout en bout antichrétiens, on pourrait, de ce point de vue, nommer la négritude une Passion : le noir conscient de soi se représente ses propres yeux comme l'homme qui a pris sur soi toute la douleur humaine et qui souffre pour tous, même pour le blanc : La trompette d'Armstrong sera au jour du jugement l'interprète des douleurs de l'homme. »

Devant la technique vers laquelle veut se réfugier le Blanc comme preuve irréfutable de sa suprématie, le Nègre va se dresser, bien avant les mouvements ayant accouché de manifestes et de traités, contre cette ivraie, ces lambeaux de la Bête que l’Humain a tendance à oublier. Il a vécu et veut continuer à vivre dans la simplicité du Paradis, entouré des fleurs de la brousse, des papillons dépliant contre le ciel des tableaux surréels aux couleurs variées, marchant sur la souplesse de sa chair contre le sable fin, prêtant sa chevelure aux caresses des peignes souples des cascades du Zambèze et gardant la mémoire ardente des Ancêtres par delà : « la plaine soudanaise que dessèchent le Vent d’Est et les maîtres nordiques du Temps et les belles routes noires luisantes que bordent les sables, rien que les sables les impôts les corvées les chicottes et la seule rosée des crachats pour leurs soifs inextinguibles au souvenir des verts pâturages atlantidiens, car les barrages des ingénieurs n’ont pas apaisé la soif des âmes dans les villages polytechniques » .

Il veut se dresser contre cette hache qu’on lui a tendue contre les arbres pour des traverses de voies ferrées. Il a dans la mémoire le viol, déchirement des jupes frêles de nos arbres millénaires qui gardaient un alignement des constellations perdu de la mémoire : « Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers qui dominait l’Afrique, au centre de l’Afrique. Droits et durs les Saras beaux comme les premiers hommes qui sortirent de vos mains brunes. Elles abattirent la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer ; elles abattirent les forêts d’Afrique pour sauver la Civilisation, parce qu’on manquait de matière première humaine». Ecoutons Césaire nous dire : « Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole ceux qui n'ont jamais su dompter ni la vapeur ni l'électricité ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel ... »

« Mais cette revendication hautaine de la non-technicité renverse la situation : ce qui pouvait passer pour un manque devient source positive de richesse. Le rapport technique avec la Nature la dévoile comme quantité pure, inertie, extériorité : elle meurt. Par Son refus hautain d'être homo faber, le nègre lui rend la vie. Comme si, dans le couple homme-nature, la passivité d'un des termes entraînait nécessairement l'activité de l'autre. A vrai dire, la négritude n'est pas une passivité, puisqu'elle troue la chair du ciel et de la terre : c'est une patience, et la patience apparait comme une imitation active de la passivité. L'action du nègre est d'abord action sur soi. Le noir se dresse et s'immobilise comme un charmeur d'oiseaux et les choses viennent se percher sur les branches de cet arbre faux.

« Il s'agit bien d'une captation du monde, mais magique, par le silence et le repos : en agissant d'abord sur la Nature, le blanc se perd en la perdant ; en agissant d'abord sur soi, le nègre préfère gagner la Nature en se gagnant. Ils s'abandonnent, saisis, à l'exercice de toute chose ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose insoucieux de compter, mais jouant le jeu du monde véritablement les fils aînés du monde poreux à tous les souffles du monde ...chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde. On ne pourra se défendre, à cette lecture, de songer à la fameuse distinction qu'a établie Bergson entre l'intelligence et l'intuition.

« Et justement Césaire nous appelle Vainqueurs omniscients et naïfs. De l'outil, le blanc sait tout. Mais tout griffe la surface des choses, il ignore la durée, la vie. La négritude, au contraire, est une compréhension par sympathie. Le secret du noir c'est que les sources de son existence et les racines de l'Être sont identiques. Si l'on voulait donner une interprétation sociale de cette métaphysique, nous dirions qu'une poésie d'agriculteurs s'oppose ici à une prose d'ingénieurs. Il n'est pas vrai, en effet, que le noir ne dispose d'aucune technique : le rapport d'un groupe humain, quel qu'il soit, avec le monde extérieur est toujours technique, d'une manière ou d'une autre. Et, inversement, je dirai que Césaire est injuste : l'avion de Saint-Exupéry qui plisse la terre comme un tapis au-dessous de lui est un organe de dévoilement. Seulement le noir est d'abord un paysan ; la technique agricole est droite patience; elle fait confiance à la vie; elle attend. Planter, c'est enceinter la terre ; ensuite il faut rester immobile, épier : chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr, chaque instant apporte cent fois plus que l'homme n'avait donné, au lieu que l'ouvrier ne retrouve dans le produit manufacturé que ce qu'il y avait mis ; l'homme croît en même temps que ses blés ; de minute en minute il se dépasse et se dore ; aux aguets devant » . Ici, il y a lieu d’appliquer un petit redressement des choses et présenter des excuses surtout celles qui nous sont propres. Mais avant cela, permettez-nous de dire à Sartre que les poèmes ne sont pas antichrétiens. S’il y a un semblant, cela n’émane que du fait qu’en réalité, dans ce combat Nègre, après la restitution culturelle et la mise au point visant à faire voir que le noir n’est que couleur et, partant, émail sur le même élément apposé à l’épiderme du frère-aux-yeux-bleus, rien n’est vraiment propre au Nègre. Tout, d’emblée, part de l’Humain pour retourner à lui comme un boumerang dans sa trajectoire fatale. Donc, en parlant de « Blanc » pour décrire l’autre camp, il se pose un problème de champ sémantique. Il y a des Blancs conscients qui ont l’anima Nègre et qui participent au combat contre les mêmes causes que la Négritude dans son côté extensionnel. En ne cernant pas cette réalité, les Nègres vont tomber sur des pièges terribles qui jonchent notre ère : au lieu d’accepter que certaines transformations sont intrinsèquement liées au développement de l’homme, ils ont tendance à les mettre sur le compte des blancs. Toute société se transforme…

Prenant part dans le combat à côté des Nègres, nous pouvons compter ceux qui permirent que voie le jour le moratoire d’Asilomar sur les manipulations génétiques en 1975, puis lors des nouvelles secousses qui les réveillèrent avec la catastrophe de Tchernobyl en Russie, et l’affaire du sang contaminé en France. Ces évènements avaient provoqué de vives émotions dans les opinions publiques et marqué un tournant, notamment en France, dans les relations entre science et société. Ainsi se pose un nouveau problème relationnel : la science, l’éthique et la responsabilité intergénérationnelle : « La science et la technologie posent des questions nouvelles qui élargissent le champ de réflexion en matière d’éthique. Il en est ainsi des problèmes posés par les déchets radioactifs par exemple, qui crée une responsabilité intergénérationnelle, puisque la question de leur traitement se projette très loin dans le temps. Ces préoccupations se sont traduites par la déclaration universelle sur les devoirs des générations présentes envers les générations futures, adoptée par l’Unesco en 1997, contribuant ainsi au développement d’une éthique commune »...

Source : Banja.blog

CHANTS D'OMBRE - IN MEMORIAM

CHANTS D'OMBRE - IN MEMORIAM
INTRODUCTION
        
Nous commençons la longue descente : prndre chaque collection poème par poème et les décortiquer. C'est le moment de dire qu'il est indispensable d'utiliser les Commentaires ou bien l'adresse Email pour nous contacter directement s'il y a des points que vous voudriez éclaircir.

De l'autre côté, il faut garder à l'esprit que « Tout livre s’interprète, mais rarement s’explique. C’est qu’un livre, surtout un livre de poésie, fils d’une inspiration particulière, semble parfois échapper même à son auteur. Il passe par une espèce d’automatisme que Senghor a bien senti, qui a dit des autres : « Les poètes gymniques de mon village, les plus naïfs, ne pouvaient composer, ne composaient que dans la transe des tam-tams, soutenus, inspirés, nourris par le rythme des tam-tams » et de lui-même : « Pour moi, c’est d’abord une expression, une phrase, un verset qui m’est soufflé à l’oreille, comme un leitmotiv, et, quand je commence d’écrire, je ne sais ce que sera le poème… ».
Ici le poète, sous l’inspiration, pensons-nous, semble plonger dans un rêve masturbatoire qui lui est suggéré avec, comme acteurs complices, l’image d’êtres et de choses. Le degré ultime sera un univers où l’Etre, après la fusion du soi, remonte jusqu’à « ce mince pont de douceur qui relie la mort et la vie ». Le jet vital a, auparavant, transcendé et, comme une graine au cœur de la terre après quelques nuits de pluie première, se brode à la vie pour un renouveau.»
IN MEMORIAM

« C’est dimanche. J’ai peur de la foule de mes semblables au visage de pierre »
Le dimanche, jour de repos, jour de promenade, jour de la procession des fidèles vers l’église ou le cimetière, pour ceux qui y ont un être cher ; dimanche, jour de communion. Senghor, perché sur sa tour de verre, appartement réel ou refonte pure de la poésie, et regarde à travers les vitres une foule qui se meut dans la rue. La foule lui fait peur à cause des visages qui sont durs comme pierre, visages renfrognés sans joie, visages si fermés qu’ils ne paraissent pas humains. Cette dureté devient explicite à la fin du poème : «Que je descende dans la rue avec mes frères aux yeux bleus, aux mains dures ». Mais avant cela le poète nous met dans d’autres secrets :


« … tour de verre qu’habitent les migraines, les Ancêtres impatients… »
Les ancêtres habitent cette tour du poète comme des migraines. Simples souvenirs ou mannes des ancêtres qui, en sérère, sont équivalents de Pangools. Cette présence va resurgir dans « Lettre à un prisonnier » : « Heureux amis, qui ignorez les murs de glace et les appartements trop clairs qui stérilisent toute graine sur les masques d’ancêtres et les souvenirs même de l’amour »
Cette présence des ancêtres, Senghor la fait ressortir à maintes reprises et nous sommes surpris de ne pas avoir trop entendu parler du côté mystique si ancré du poète.


« Je contemple toits et collines dans la brume, dans la Paix – les cheminées sont graves et nues. »
Une pure beauté poétique que l’écrivain partage avec son lecteur ? En Europe, surtout en Europe du Nord, la brume qui couvre la ville a un effet particulier sur les habitants et particulièrement sur une personne que l’habitude n’a pas encore rendu aveugle à ce phénomène qui donne sur un paysage féerique digne d’un film de science fiction. Durant notre premier contact avec cette vision dans la ville finlandaise de Lahti, à partir d’une maison suspendue sur la colline, nous avons écrit, dans notre journal « Quand on quitte » : « La demie obscurité qui, suspendue, a dansé toute la journée au-dessus de la ville maintenant se durcit. Mais elle hésite encore, se concertant avec la brume pour savoir comment étreindre cette blancheur qui sur terre s’amasse. Les lampes s’allument, aussi irréelles, lustres sur cette blancheur bizarre de la nuit, mille ballots de mousse sur une mer houleuse… ».
La brume flotte, légère et soyeuse comme la paix. De l’autre côté se dessinent les toits ainsi que les collines et les cheminées, qui sont sinistres. Si le poète porte son regard vers les collines et les toits, ce n’est pas pour la simple beauté kaléidoscopique. Il y a une autre dimension : ces toits sont comme des bouts de pilons plantés, jalons de tombes de ses frères tombés au champ de bataille, des « fanq xool ».


« A leurs pieds dorment mes morts, tous mes rêves faits poussière, Tous mes rêves, le sang gratuit répandu le long des rues, mêlé au sang des boucheries. »
Là sont couchés ses frères morts, les tirailleurs sénégalais, on devrait dire les tirailleurs africains. Il y a la distance, le temps entre nous et ces évènements : mais une chose est claire : Les batailles de Normandie, du Désert, de France, du Pacifique, de Stalingrad, de Moscou, d’Italie débouchant sur la bataille finale d’Allemagne sont autant de fronts et autant de ruisseaux de sang d’amas de cadavres en décomposition que l’imagination même la plus perspicace a mal a concevoir dans toute leur ampleur:


« … le sang gratuit répandu le long des rues »
Mais pourquoi « gratuit » ? Tous les pays engagés dans la guerre savaient exactement pourquoi ils se battaient, sauf bien sûr l’Afrique. Une Guerre Mondiale, est la guerre de tout le monde certes, mais comment cette guerre est-elle conçue par celui qui était forcé d’y participer ? C’est vrai que c’était aussi notre guerre, de par la France, et puis, vu la position d’Hitler vis à vis des races non aryennes. Nous rappelons en passant le cas du champion noir Jesse Owens lors des Jeux d’été de Berlin en 1936 : Avec plus de 4 000 concurrents et une énorme mise en scène qui doit affirmer à la face du monde la force du régime nazi, Jesse Owens remporta quatre médailles d’or : les 100, 200, 4 fois 100 mètres, et celle du saut en longueur. Mais Hitler refusa de lui serrer la main lors de leur remise.
Si la participation à cette guerre est remise en question par les écrivains noirs – un trait d’ailleurs maintenu par le cinéma et les documentaires occidentaux où l’on voit rarement pour ne dire jamais, des Noirs au combat, n’est-ce que pour tomber sous les boulets des canons, c’est que notre participation était forcée et n’est pas reconnue, encore moins mesurée à sa juste valeur. Plusieurs y étaient dans la forme, mais pas dans le sens.
Cette absence dans les documentaires le long des champs de bataille, cette participation sans visage, où le rôle est relégué à celui de valet qui doit servir le roi lors de sa randonnée et se retirer lorsque les choses sérieuses, c’est-à-dire royales, se présentent, c’est bien la raison pour laquelle nous nous posons des questions. Nous reviendrons plus assidûment sur ce point dans « Hosties Noires. »
Le sang est certainement gratuit : c’est du sang versé qui ne demandera pas la moindre gerbe de fleur, le moindre monument. Point besoin de jardin pour lequel des jardiniers seront embauchés durant des générations pour venir essuyer des stèles, arroser des fleurs, tailler un gazon. N’est-ce point la raison pour laquelle le poète pleure ses frères en se lamentant : « Car les poètes chantaient les fleurs artificielles des nuits de Montparnasse, ils chantaient la nonchalance des chalands sur les canaux de moire et de simarre, ils chantaient le désespoir distingué des poètes tuberculeux. Car les poètes chantaient les héros, et votre rire n’était pas sérieux, votre peau noire pas classique. » ? Et pour ceux qui ne furent pas tombés sur le champ de bataille et qui retournèrent, le jour de Thiaroye les attendait… Et l’ancien combattant combat encore pour ses droits le long des rues et à travers les antennes.


« Et maintenant de cet observatoire comme de banlieue, je contemple mes rêves distraits le long des rues, couchés au pied des collines. »
Une comparaison intéressante et complexe. Le poète reconnaît ses rêves distraits, c’est-à-dire éparpillés le long des rues, un seau de lait caillé qui s’éparpille sur l’asphalte comme les gadgets que les habitants de banlieue voient les leurs le long des rues, le long des boulevards. Expliquons-nous, car c’est justement la raison de la comparaison. Quand le « banlieusard » vient au centre ville, lui qui a à peine de quoi acheter du pain, il voit à travers les vitrines des gadgets de rêves : Costumes à des centaines de mille, des robes de mariages, chaussures, voitures de luxe, gâteaux, poulets fumés, etc. sans compter l’élégance des demeures sous la lumière burlesque du soleil. Bref, ses rêves de « banlieusard » éparpillés le long des rues… C’est le drame de l’Europe et des grandes villes, c’est le drame de la société actuelle. Dans un village, une personne ayant faim n’a pas sous les yeux l’insolence d’une abondance étalée juste au-delà d’une vitre, morceau transparent de quelques centimètres qui, en réalité se transforme en milliers d’unités astronomiques. Désespoir. Et grand est celui du poète !
Mais pourquoi ces morts sont-ils les « rêves », l’espoir du poète ? Uniquement parce que, comme pendant les siècles d’esclavage, ce sont les jeunes africains, les colonnes du continent qui, encore une fois furent tamisées puis embarqués dans les bateaux, destination les charniers d’Europe, former la « Schwarze Schande ». Ce rêve, c’est la force qui devait bâtir le continent. C’est de ce rêve dont il parle en disant : « Je vois tomber les feuilles dans les faux abris, dans les fosses dans les tranchées où ruisselle le sang d’une génération, l’Europe qui enterre le levain des nations et l’espoir des races nouvelles » Pendant cette guerre, comme durant la première guerre mondiale, pour la millième fois, des générations de colonnades seront décimées pour une cause qu’elles ignorent, pour une cause qui leur aura été forcée.


« …Comme les conducteurs de ma race sur les rives de la Gambie et du Saloum De la Seine maintenant, au pied des collines. »
Les colonnes de jeunes, les piliers d’un peuple drainés vers les chemins de l’esclavage. Et les plus nobles, ceux qui osèrent lever la tête, justement ceux qui avaient le sang de dirigeants seront exterminés avant d’atteindre les côtes d’Amérique. Les plus purs bien avant : « Les plus purs d’entre nous sont morts : ils n’ont pu avaler le pain de honte ».
Dans « Prière de Paix », qui porte une marque d’humanité profonde aussi bien catholique que sérère dans la capacité de pardonner, sicut et nos dimitimus debitoribus nostris, « comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés », le poète utilise la rhétorique. Il choisit la méthode de la confession catholique qui lui permet d’énumérer tous les actes commis. C’est ainsi qu’il peut pardonner tout en dévoilant dans leur totalité les fautes commises. C’est réellement « souffler le chaud et le froid » : « Il faut bien que tu pardonnes à ceux qui ont donné la chasse à mes enfants comme à des éléphants sauvages …Car il faut que tu oublies ceux qui ont exporté dix millions de mes fils dans les maladreries de leurs navires, qui en ont supprimé deux cent millions ! »


« Laissez-moi pleurer mes morts ! C’était hier la Toussaint, l’anniversaire solennel du Soleil et nul souvenir dans aucun cimetière. »
Le poète pleure en solitaire les héros doublement ensevelis. Il y eut la chasse, la cachette, l’embarquement, puis les fronts et les charniers auxquels viendront s’ajouter les « fruits étranges », corps de nègres pendus aux arbres à travers le Sud et qui seront longuement bercés par la voix de Billie Holiday. Mais ni parmi ceux qui célèbrent les héros, ni aux lèvres des documentaires, ni sur les stèles il n’y a de souvenir, comme si vous n’aviez jamais été dans la bataille. Vous êtes une ombre, un valet qui doit s’effacer une fois le devoir accompli. La Toussaint, la Fête des Saints, du souvenir, jour du devoir de mémoire qui, tel un soleil fait germer la vie cachée, les présences lointaines. Et pourtant, du haut de sa tour de verre, le poète ne voit aucun cœur, aucune mémoire porteuse de votre mémoire.


« O Morts, qui avez toujours refusé de mourir, qui avez su résister à la Mort jusqu’en Sine jusqu’en Seine, et dans mes veines fragiles, mon sang irréductible… »
Conception du monde cyclique. C’est à peine si nous n’entendons pas les vers de Birago Diop :

            « Écoute plus souvent
            Les Choses que les Êtres
            La Voix du Feu s’entend,
            Entends la Voix de l’Eau.
            Écoute dans le Vent
            Le Buisson en sanglots :
            C’est le Souffle des ancêtres.

            Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
            Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
            Et dans l’ombre qui s’épaissit.
            Les Morts ne sont pas sous la Terre :
            Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
            Ils sont dans le Bois qui gémit,
            Ils sont dans l’Eau qui coule,
            Ils sont dans l’Eau qui dort,
            Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :
            Les Morts ne sont pas morts »!

La conception de la vie chez les Sérères, n’est pas linéaire, elle est cyclique. Initié à cette notion de la vie cyclique, né dans un terroir où « …les choses sont sans épaisseur ni poids » et ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent être «… Sont-ce les voix des anges peuls ou des chanteuses mortes à vingt ans ? Les voix des nourrices royales ? Dis le charme des serpents sur les tombes. Ou sont-ce les trompettes des canards sauvages ? L’on rentre des puits des champs et des chasses … ». Et encore : «… Or je revenais de Fa’oye, et l’horreur était au zénith et c’était l’heure où l’on voit les Esprits, quand la lumière est transparente et il fallait s’écarter des sentiers, pour éviter leur main fraternelle et mortelle. L’âme d’un village battait à l’horizon. Etait-ce des vivants ou des morts ? » Senghor suit intensément ce cycle dans ses images. C’est ainsi que parfois, en parlant d’une personne, celle-ci se transforme en objet ou paysage, et le paysage redevient être, tout alternant le long d’un fil soudeur qui rattache choses et êtres dans cette grande toile de l’Anima.

Les morts ne sont pas morts, ils ont transcendé, sont devenus esprits, avec le pouvoir de protéger. Ce n’est pas encore la réincarnation, mais celle-ci ne serait pas possible sans ce processus. Les morts, au lieu d’aller vers un ciel que personne ne sait situer, restent plutôt alentour : âmes bonnes qui deviennent protectrices et fusionnent avec l’harmonie universelle, ou bien damnées et vagabondes qui cherchent à nuire.

Dans ce passage « O Morts, qui avez toujours refusé de mourir, qui avez su résister à la Mort jusqu’en Sine jusqu’en Seine, et dans mes veines fragiles, mon sang irréductible », nous retrouvons le même trait des héros du champ de bataille d’Elissa du Gabou, la présentation du même sang, cette sève païenne qui n’est pas un vain de palme d’une nuit : « Dormez, les héros, en ce soir accoucheurs de vie, en cette nuit grave de grandeur… Mais sauvée la Chantante, ma sève païenne qui monte et qui piaffe et qui danse ».

Disons en passant qu’il faut distinguer deux groupes de morts : les Morts, qui sont les Pangools, les Ancêtres et qui habitent la tour de verre du poète comme des migraines, et les tirailleurs sénégalais tombés sur le champ de bataille et qui sont maintenant étendus au pied des collines. Le premier groupe est imploré pour protéger l’autre. Dans cette guerre terrible qui semble ne jamais finir, Senghor prie pour que les Ancêtres protègent ces toits, contre les quadrimoteurs, les bombes, les forteresses volantes. Car ce sont ces toits qui couvrent, c’est-à-dire protègent ses frères morts.


« Que de ma tour dangereusement sûre, je descende dans la rue avec mes frères aux yeux bleus, aux mains dures »
La sûreté de la tour est dangereuse, puisque égoïste. Il y a, dans les rues, la foule de ses semblables aux visages de pierre, et rien ne serait plus sûr que de rester isolé, de garder la distance. Mais ce serait refuser toute participation, garder l’anonymat, ce qui n’est pas moralement correct. Il faut donc descendre, affronter cette foule au milieu de laquelle il sera le seul à porter le devoir de mémoire de ses frères noirs morts. Il doit se mêler à ses frères blancs qui sont capables d’actes terribles, qui ont les « les mains dures », contrastant terriblement avec le bleu des yeux, couleur du ciel et de l’eau, symbole de l’infini, du divin, du spirituel qui invite vers les sentier du rêve, de l’évasion spirituelle, la paix le calme, la volupté.

Cela contraste terriblement avec la boucherie, toute la technique déployée rien que pour tuer, éteindre le souffle vital d’autres êtres humains qui avait presque atteint son paroxysme. Une partie de la raison hellène ou ses fruits, les canons, les chars, les mitraillettes et les forteresses volantes, avait signé les plaines du continent européen de leur trace de sang : « Dans l’espoir de ce jour – voici que la Somme et la Seine et le Rhin et les sauvages fleuves slaves sont rouges sous l’épée de l’Archange et mon cœur va défaillant à l’odeur vineuse du sang… ». Elle avait lacéré les côtes de l’Afrique du Nord de griffes de feu : « Ah ! Là-bas l’orage soudain, c’est l’incendie des côtes blanches de la blanche paix de l’Afrique mienne. Et dans la nuit où tonnent de grandes déchirures de métal, entends plus près de nous, sur trois cents kilomètres, tous les hurlements des chacals sans lune et les miaulements félins des balles, entends les rugissements brefs des canons et les barrissements des pachydermes de cent tonnes. Est-ce l’Afrique encore cette côte mouvante, cet ordre de bataille, cette longue ligne rectiligne, cette ligne d’acier et de feu ?... ».

Senghor va retourner sans relâche cette vision apocalyptique de la guerre : Comment se fait-il que cet esprit, aussi capable techniquement, loin de s’humaniser, semble toujours faire plus de preuve dans sa capacité de destruction ? Pourquoi la technique, fruit des hauts degrés de l’esprit sait-elle mieux tuer que guérir ? Bien sûr, à travers tous les peuples on est conscient qu’il est beaucoup plus facile de détruire que de construire. Mais cela devrait être vrai pour les mains, le physique, pas pour l’esprit. Surtout si cette destruction se fait froidement par calcul sur la base de la gourmandise qui pousse à la conquête.

Si certains nègres se sont mépris sur « la raison hellène », c’est qu’ils ont mal compris. Senghor n’est pas éberlué par les fruits les plus tangibles de la technique, fruit de la raison hellène. Au contraire, ayant vu sa puissance de feu, il a presque la nausée. Au début, peut-être a-t-il affiché le même sentiment que lorsqu’il se trouva en face de New York : « New York ! D’abord, j’ai été confondu par ta beauté, ces grandes filles d’or aux jambes longues. Si timide d’abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre. Si timide » mais, avec l’embrasement des cathédrales et des monuments, fierté des hommes, il va vite déchanter, comme il le fera devant cette ville, une fois le mirage passé : « Mais quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan – c’est au bout de la troisième semaine que vous saisit la fièvre en un bond de jaguar, quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l’air tombant soudain et morts sous les hautes cendres des terrasses ».

Nous l’aurions certainement mal compris, si nous avions pensé que cette remarque du poète véhiculait un éloge du blanc et abaissait le noir. Devant l’horreur générée par la technique et, partant par la « raison hellène », Senghor préférait les gamelles : « Qui donc dansera le dimanche aux sons du tam-tam des gamelles ? Et ne sont-ils pas libres de la liberté du destin ?». Il préférait le retour vers le pays de sa mère « où le sol est bien noir et le sang sombre et l’huile épaisse. Les hommes y sont de quatre coudées. Ils ne distinguent pas leur gauche de leur droite, ils ont neuf noms pour nommer le palmier mais le palmier n’est pas nommé ».

« Hommes qui ne distinguent pas leur gauche de leur droite », n’est pas une négation, mais un dépouillement de la raison hellène, une marque d’innocence où l’être humain applique l’exercice de son esprit à la stricte nécessité, vivant parmi les palmiers, les reconnaissant tous mais sans avoir besoin de leur donner un nom, de les convertir en objets de ses propres intérêts. Lorsque la raison hellène arrivera dans ce royaume d’enfance, alors verront le jour les chasses quadrillées. Les noms des bêtes et des arbres jaillissent portent une autre essence car, derrière ces noms ne jaillissent d'emblée que les propriétés commerciales, les propriétés répondant à l’unique besoin de l’homme. Les bêtes comme les forêts sont systématiquement abattues, ainsi que des habitants, écrasant ce royaume d’enfance où l’homme vivait avec la nature, par la nature, dans la nature, nourrissant la nature et se nourrissant d’elle : « Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers qui dominait l’Afrique, au centre de l’Afrique… Droits et durs les Saras beaux comme les premiers hommes qui sortirent de vos mains brunes. Elles abattirent la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer. Elles abattirent les forêts d’Afrique pour sauver la Civilisation, parce qu’on manquait de matière première humaine »

Devant cette même situation, Chief Seattle dira : « Le président à Washington envoie nous dire qu’il veut acheter notre terre. Mais comment peut-on acheter ou vendre le ciel, la Terre ? L’idée nous est très étrange. Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l’air et l’éclat de l’eau, comment pouvez-vous nous les acheter ? Pour mon peuple, chaque élément de la terre est sacré. Chaque épine luisante du pin, toute plage sableuse, tout lambeau de brume dans les bois sombres, toute clairière et chaque bourdonnement d’insecte. Tout est sacré dans la mémoire et l’expérience de mon peuple.
« La sève qui coule dans les arbres transporte les souvenirs de l'homme rouge. Les morts des hommes blancs oublient le pays de leur naissance lorsqu'ils vont se promener parmi les étoiles. Nos morts n'oublient jamais cette terre magnifique, car elle est la mère de l'homme rouge. Nous sommes une partie de la terre, et elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos sœurs; le cerf, le cheval, le grand aigle, ce sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney, et l'homme, tous appartiennent à la même famille. « Aussi lorsque le Grand chef à Washington envoie dire qu'il veut acheter notre terre, demande-t-il beaucoup de nous. Le Grand chef envoie dire qu'il nous réservera un endroit de façon que nous puissions vivre confortablement entre nous. Il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous considérons donc, votre offre d'acheter notre terre. Mais ce ne sera pas facile. Car cette terre nous est sacrée. « Cette eau scintillante qui coule dans les ruisseaux et les rivières n'est pas seulement de l'eau mais le sang de nos ancêtres. Si nous vous vendons de la terre, vous devez vous rappeler qu'elle est sacrée et que chaque reflet spectral dans l'eau claire des lacs parle d'événements et de souvenirs de la vie de mon peuple. Le murmure de l'eau est la voix du père de mon père.
« Les rivières sont nos frères, elles étanchent notre soif. Les rivières portent nos canoës, et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez désormais vous rappeler, et l'enseigner à vos enfants, que les rivières sont nos frères et les vôtres, et vous devez désormais montrer pour les rivières la tendresse que vous montreriez pour un frère. Nous savons que l'homme blanc ne comprend pas nos mœurs. Une parcelle de terre ressemble pour lui à la suivante, car c'est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la terre ce dont il a besoin. La terre n'est pas son frère, mais son ennemi, et lorsqu'il l'a conquise, il va plus loin. Il abandonne la tombe de ses aïeux, et cela ne le tracasse pas. Il enlève la terre à ses enfants et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux et le patrimoine de ses enfants tombent dans l'oubli. Il traite sa mère, la terre, et son frère, le ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit dévorera la terre et ne laissera derrière lui qu'un désert. »

Senghor, aussi, aspirera dans son fort intérieur à une chose différente de New York, mais Realpolitik oblige !

Source : Banja.blog

*SUPPORT DE COURS* : _Les fonctions de la Poésie._

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